Evasion de Redoine Faid: La ministre de la justice est-elle responsable ?
Le braqueur multirécidiviste Redoine Faïd, s'est évadé dimanche par hélicoptère de la prison de Réau, en Seine-et-Marne, dans laquelle il était incarcéré. Le plan épervier a été déclenché et de nombreuses forces de police sont mobilisées. Il purgeait une peine de 25 ans de prison, notamment pour un braquage raté au cours duquel la policière Aurélie Fouquet avait trouvé la mort.

Redoine Faid s'est évadé pour la troisième fois d'une prison. Au regard des insuffisances de l'administration pénitentiaire, cette évasion n'est pas une surprise.
Pour autant , la garde des sceaux doit-elle être virée à cause de cette évasion spectaculaire ?
Le personnel pénitentiaire point du doigt depuis des années les insuffisances et les défaillances d'un système pénitentiaire totalement à la ramasse face à l'évolution de la population carcérale et de l'accroissement des violences ainsi que des nouveaux enjeux quasi contradictoire avec d'une part la radicalisation et la volonté du nouveau gouvernement de durcir les condamnations et d'autre part,la question de la réinsertion et des droits et libertés des prisonniers.
D'autres problèmes n'ont toujours pas été résolus par le gouvernement. L'engorgement des prisons, la communication et la célérité de l'administration , la vétusté des établissements et la sécurité.
En effet, neufs jours avant son évasion, des gardiens alertaient l'administration d'un risque d'évasion de Rédoine Faid. Un transfert était exigé le plus rapidement que possible. Or, l'administration prévoyait un transfert seulement courant septembre 2018.
L'administration pouvait-elle agir plus vite ? On se demande si le transfert du détenu Redoine Faid était prévue de longue date ou si c'est en réponse directe à cette lettre que l'administration avait prévue le transfert de l'intéressé.
La ministre de la justice responsable mais de quelle responsabilité parles t-on ?
A entendre certaines mouvances de l'opposition , il faudrait immédiatement révoquer la ministre de la justice Nicole Belloubet pour faute grave. Marine le Pen et Nicolas Dupont-Aignan ,se sont lancés tous deux dans une campagne anti-gouvernement décrétants que la ministre doit être virée manu millitari ! Sans doute les prémices d'une politique commune du béni-non-non.
Allons bon, mettre à la porte la ministre de la justice en raison d'une évasion exceptionnelle dont la logistique et le timing sont d'exception ne peuvent a eux seul justifier la démission de la ministre. Si l'on suit cette logique, alors il ne resterait plus grand monde au gouvernement ,pire encore dans les hémicycles.
La garde des sceaux était tenue d'une obligation de moyens, c'est cette obligation qui est défaillante. Mais, le budget de l'administration pénitentiaire pour l'année 2018 est de 2,8 milliards d'euros, ce budget est voté et acté,on ne peut pas le modifier suite à cette évasion. Ainsi, les solutions expresses évoquées par certains: plus d'armes, plus de répression, plus de moyens ne pourront prendre effet que sur plusieures années.
Oui, la garde des sceaux est responsable , responsable de son manque d'initiative ou d'action suite aux repérages d'un drone à la prison de Réau. Mais aussi,de l'absence de mesures rapides après l'alerte de gardiens sur le risque d'évasion imminente du détenu Rédoine Faid.
Cependant, cette responsabilité ne doit pas avoir pour conséquence sa révocation mais en tirer des enseignements et une action concrète à mener rapidement et efficacement sur le long terme. La réalité de l'environnement pénitentiaire est catastrophique sur tous les plans. L'évasion doit éveiller les consciences politiques afin de renforcer les moyens préventifs et coercitifs en prison qui existent déjà.
En 2013,une réforme portée par Christiane Taubira avait pour ambition de mettre fin aux zones de non droit en prison. Ainsi, nul besoin d'innover en matière pénitentiaire mais augmenter le budget prévisionnel et renforcer des mesures déjà prévues.
Armer les gardiens ?
Oui, mais avec des armes non létales , une formation accrue en auto défense et self contrôle. Armer les gardiens nécessite un suivi psychologique pour lutter contre les moyens de pressions et apprendre à garder son calme en toute circonstances.
Armer un gardien c'est aussi prendre le risque d'une bavure ou en faire des cibles faciles pour des prisonniers ayant l'intention de subtiliser les armes.
L'évasion d'un détenu ne doit pas entraîner une précipitation politique tenant à réformer tout et tout de suite. Il faut trouver le juste milieux entre la répression ou l'applicabilité des peines avec les droits et libertés des prisonniers.
Le brouillage téléphonique est une solution. Mais quid de sa portée ? N'y a t-il pas un risque de trouble du voisinage ? En effet, certaines prisons ont mis fin au brouillage car elle brouillait les communications des riverains ou le système était obsolète.
Visiblement , c'est en amont qu'il faut agir, c'est à dire empêcher strictement que des portables ou autre moyens de communications n'entrent dans l'établissement. Mettre fin à la corruption et élargir le périmètre de sécurité des prisons.Encore une fois , c'était déjà mis en place. Mais ,la vétusté des outils ne permettent pas une sécurité maximale.Les callebotis(grilles), des capteurs de mouvements ou les glavis permettant d'empêcher le parachutage d'objets sont limités et non opérationnels avec le temps. Manifestement, c'est en entretien et logistique qu'il faut investir.
L'administration devrait renforcer les portiques de sécurité mais toutes les prisons n'ont pas les moyens de s'en doter(160 000 euros un portique sans compter l'entretien)
Les capteurs anti-drone ne fonctionnent plus, les vidéos surveillances sont hors service pour la plus part et toutes les prisons ne sont pas dotées de filins anti-hélicoptère sachant que leur éfficacité est mis à mal en cas de vol stationnaire au dessus de la prison ou de vol sur une zone précise non équipée comme ce fût le cas lors de l'évasion de Redoine Faid.
Comment prévenir des risques d'évasion en prison quand les effectifs sont diminués ?Il y a un gardien pour 120 prisonniers en moyenne(selon la commission des lois).
La fouille
Si la fouille intempestive a pris fin c'est qu'elle portait atteinte aux droits des prisonniers. Notamment leur vie privée et parfois leur dignité.
La fouille est souvent infructueuse lorsqu'il y a une complicité au sein de la prison qui avertit des fouilles . De plus,le personnel exerce des fouilles de manière inégale , une fouille sur les petits malfrats mais lorsqu'il s'agit de fouiller les grandes figures du grand banditisme , le personnel est menacé ou payé par des pots de vins.
Aujourd'hui ,seul les maisons centrales semblent en capacité de résister à des pressions internes ou externes car elles accueillent les personnes détenues condamnées à une longue peine et/ou présentant des risques. Le régime de détention de ces prisons est essentiellement axé sur la sécurité.
Pour rappel, Redouane Faid s'est évadé d'un centre de détention axé sur la réinsertion sociale ce qui est paradoxal avec la dangerosité de l'individu classé comme détenu particulièrement signalé. Cette situation témoigne de la légèreté des conditions de détention d'un prisonnier dangereux.
In fine, en raison de la faiblesse de l'effort budgétaire en faveur de l'immobilier pénitentiaire, du retard constaté pour acquérir les terrains et de l'absence de loi de programmation permettant de sécuriser les financements, il ne serait pas possible de construire 15 000 places de prison avant la fin du quinquennat, contrairement à l'engagement du Président de la République, ce qu'a confirmé la garde des sceaux, lors de son audition en 2017.
Enfin, 732 créations d'emplois sont prévues, dont 50 pour les extractions judiciaires, soit un nombre insuffisant pour permettre une bonne exécution de ses missions par l'administration pénitentiaire. La commission des lois a rappelé les nombreuses vacances de postes, singulièrement de surveillants pénitentiaires, et souligné la nécessité de renforcer l'attractivité des métiers de l'administration pénitentiaire et d'encourager la fidélisation des personnels
Une chose est certaine, l'évasion de Redouane Farid rappelle que l'administration pénitentiaire doit être une priorité du gouvernement. Mais, doit -on privilégier la sécurité en dehors des prisons en dépit de la sécurité dans les prisons ? C'est un débat qui devra être tranché par la ministre de la justice car tout porte à croire q'un choix devra être fait entre la sécurité des personnes libres et celles dont la liberté à été privée au regard d'un budget en matière de défense et de sécurité accrue mais toujours insuffisant et limité.