Affaire Emiliano SALA:                La bataille juridique avant le deuil

Le 21 janvier 2019, Emiliano SALA embarque dans un avion depuis Nantes direction Cardiff, l'attaquant vient d'être transféré pour 17 millions d'euros dans le club anglais. Malheureusement, l'avion privé transportant le joueur s'écrase au dessus de la Manche. Le monde du football est sous le choc après la découverte du corps du joueur le 3 février 2019. 

Le sport exacerbe les passions mais aujourd'hui on achète des joueurs comme on achète des actions, les joueurs ne sont que des produits financiers en dépit de toute humanité.

Le 21 janvier 2019, Emiliano SALA embarque dans un avion depuis Nantes direction Caridiff, l'attaquant vient d'être transféré pour 17 millions d'euros dans le club anglais. Malheureusement, l'avion privé transportant le joueur s'écrase au dessus de la Manche. Le monde du football est sous le choc après la découverte du corps du joueur le 3 février 2019.

Derrière le drame et le deuil de la famille, une bataille fait rage entre des intérêts contradictoires aux enjeux financiers énormes : celui du club vendeur, le FC Nantes qui estime que le contrat doit être exécuté et le club acheteur, Cardiff qui ne souhaite pas verser le montant du transfert au club Nantais.

Le contrat conclu entre le Fc Nantes et Cardiff doit-il être exécuté ?

Selon l'adage « Pacta sunt servanda » qui signifie que les parties sont liées au contrat. Les contrats légalement formés doivent être exécuté à condition qu'ils soient valables (I). La question de la validité du contrat et du contentieux autour de son exécution sera tranché conformément à une procédure spécifique au droit du sport(II) qui aboutira à une conclusion sur le cas d'espèce(III).

I-La validité du contrat

Le contrat semble valable donc il doit être exécuté par les parties(A). Mais, le club anglais pourrait s'opposer à l'exécution du contrat au nom de la force majeur, de l'exception d'inexécution ou de l'absence de contrepartie au contrat(B).

A) Le principe d'exécution du contrat

Selon l'article 1128 du Code civil, un contrat est valable s'il respecte des conditions tenant au consentement, à la capacité des parties et à la licéité du contrat et son caractère certain.

A priori, le contrat est valable car il y a eut un consentement des parties qui s'est manifesté par la signature du club acheteur, du club vendeur et le joueur) comme l'indique une photo postée sur tweeter par le club anglais(voir la photo :supprimée depuis mais que l'on peut aisément retrouver sur google).

En d'autres termes, le contrat semble formé dès lors qu'il y a une rencontre des volontés qui se manifeste par une offre et une acceptation entre les deux clubs(article 1113 du Code civil).

*Pour information, le joueur avait signé le contrat mais il est revenu en France pour dire au revoir à ses coéquipiers.

De plus, le contrat est homologué(entré dans le système informatique de la Fifa) ce qui signifie que le contrat doit être exécuté à compter de la date d'homologation du contrat par la Fifa(art.Le point).

Enfin, le contrat est valable car il est certain et licite , les informations journalistiques affirment que le montant du transfert était de 17 millions d'euros payable en trois fois( un premier versement de 5 millions d'euros devait être versé en janvier à Nantes) pour une durée déterminée de trois et demi.

Le FC Nantes a d'ailleurs posé un ultimatum au club anglais le 6 février 2019 pour qu'il paie les 5 millions d'euros comme convenue sous peine d'engager des poursuites. « Le club réclame l'application du contrat » (Le parisien 6 février 2019, Nantes envisage une action en justice pour obliger Cardiff à payer le transfert de Sala).

Ainsi, le contrat semble valable donc il doit être exécuté (au nom du principe de force obligatoire des contrats : toutes conventions légalement formée tiennent lieu de loi à ceux qui l'ont fait article 1134 du Code civil) . En d'autres termes, le club anglais de Cardiff devra payer l'intégralité de la somme convenue dans le contrat au FC Nantes. Seul seront peut être affectés les bonus liés au nombre de but marqué, temps de jeu ou autre.

Dans l'hypothèse ou le contrat ne serait pas valable alors le club anglais ne devra pas exécuté le contrat.

Cependant, quels peuvent être les moyens de défense du club anglais ?

B)L'exception tenant au cas de force majeure, l'absence de contrepartie contrat et l'exception d'inexécution

Cardiff à défaut de démontrer que le contrat n'est pas valable pourra peut être alléguer de la force majeure pour justifier l'inexécution de son contrat. La force majeure est un événement imprévisible, irrésistible et insurmontable (article 1218 du Code civil).

Cependant, ce moyen de défense à peu de chance d'aboutir car il faut démonter que les caractères de la force majeur sont remplis. En pratique, le crach d'un vol d'avion n'est que rarement un cas de force majeure pouvant exonérer les parties d'exécution du contrat. C'est la compagnie aérienne qui sera responsable du décès du joueur ( faut-il encore démontrer qui est responsable car la compagnie est privée et douteuse d'après les information BFM TV et autres).

De plus, la Charte du football professionnel précise en son article 278 que « prendre un avion privé en dehors de l'entraînement ou des matchs... est une pratique à risques ...» sous entendu de la responsabilité de ceux qui prennent l'avion et non des clubs.

Cardiff pourrait invoquer l'absence de cause (ou d'objet au contrat) c'est à dire la contrepartie au contrat. C'est à dire pourquoi les deux clubs se sont engagés ? Nantes s'est engagé pour obtenir une somme d'argent et Cardiff pour obtenir le joueur. Le joueur est ici l'objet du contrat (football business).

Ainsi, sans contrepartie le contrat n'a pas vocation a être exécuté, il est nul pour absence d'objet conformément aux articles 1169 et suivants du Code civil(Professeur Mazeaud-Leveneur).

La cause ou la contrepartie réside dans l'obligation contracté par le cocontractant mais il faut démontrer par des éléments contractuels uniquement que la contrepartie était un élément essentiel au contrat et qu'il entré dans le champ contractuel.

Là encore les chances de réussite sont minces car l'objet du contrat (le joueur) était déterminé au moment de la conclusion du contrat et que le contrat devrait stipulé expressément que le joueur doit être en vie pour que le contrat soit exécuté(en pratique les contrats stipulent des conditions relatives à la condition physique du joueur seulement, on peut penser que les contrats professionnels de sportifs bien que personnalisés sont des contrats types). Or, en l'espèce, aucune clause n'a été révélé à ce sujet et en pratique les contrats de sportifs n'ont pas de clause ou de conditions d'exécution relatives à un crash d'avion ou à la mort d'un joueur. En d'autres termes, aucune clause stipule que « Monsieur Sala doit être en vie, à défaut le contrat ne sera pas exécuté ».

Donc sauf si le contrat stipule que la présence du joueur est une condition sine qua none de l'exécution du contrat et que c'est déterminant pour les parties c'est à dire entré dans le champs contractuel(stipulé dans le contrat) le club anglais devra payer les sommes dues.

L'exception d'inexécution pourrait aussi être invoqué par le club anglais. En effet, le joueur devait être présent afin de jouer en échange du montant du transfert. Ce qui justifierait en l'absence de la présence du joueur l'inexécution du contrat par le club anglais, c'est à dire ne pas verser le montant du transfert. En droit commun des contrats, le créancier à le droit de refuser d'exécuter un contrat s'il n'a pas reçu sa contrepartie selon l'article 1219 du Code civil.

II-La Procédure

Très brièvement, en France le CNOSF (comité national olympique sportif français) est compétent pour arbitrer un litige relatif au contrat. Une tentative de conciliation sera effecutée pour régler à l'amiable le différend entre les deux clubs.

A défaut d'accord, le Tribunal arbitral du sport devrait être saisi afin de régler le litige(P Karaquillo, le droit du sport ,Dalloz).

III-Conclusion

E. SALA est un joueur de foot mais surtout un employé. Les joueurs de football ont le statut d'employé en conséquence ils sont assurés et jouissent de la sécurité sociale. Ainsi, la famille du défunt devrait être indemnisé (article D 321-1 Code du sport et L 311-2 Code sécu.soc).

La question de la responsabilité de la compagnie aérienne se pose mais aussi les conditions du crash de l'avion. En effet, une action contre la compagnie peut être effectuée (CJUE 6 février 2016) conformément à la convention de Montréal du 28 mai 1999. Le sport n'est pas exonéré du droit commun, soit la responsabilité des dirigeants sera engagée s'ils ont organisés le vol soit la responsabilité de l'agent qui semble être l'organiseur du vol et ou de la compagnie privée dont le pilote était non professionnel.

Enfin, le contentieux autour du contrat d' Emiliano SALA a un effet domino. En effet, il n'est pas seulement question des intérêts entre Nantes et Cardiff. Le club formateur du défunt joueur évoluant en D3 ibérique, Playas de Calvia réclame une partie de l'indemnité du transfert(l'express, 9 février 2019). Le transfert de SALA représente une énorme somme pour les deux clubs. Nantes est une équipe à petit budget et comptait sur ce transfert pour se pérenniser en ligue 1 (15ème du classement) et Cardiff en achetant Emiliano SALA avait effectué le plus gros transfert de son histoire. Ainsi, payer une telle somme pour un joueur qui ne jouera pas leur est préjudiciable. Le décès d'Emiliano SALA à ouvert la porte à une bataille juridique qui réaffirme malheureusement que les joueurs de football sont avant tout des objets de la finance.  

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